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Logistique : les entrepôts géants, ces nouvelles cathédrales
Logistique : les entrepôts géants, ces nouvelles cathédrales

Tournan-en-Brie, au sud-est de Paris. Sur les riches terres céréalières de Seine-et-Marne, un édifice en forme de record est en voie d'achèvement. C'est ici que Conforama a choisi d'implanter la plus grande plate-forme logistique de France. Au total, un bâtiment de tôle et béton de 177.500 m2 de plain-pied... soit la surface de 26 terrains du football ! Les deux aménageurs, Gazelay et Argan, ont consenti à créer des buttes végétalisées pour masquer la façade de 800 mètres et à financer les accès routiers, pour lever les réticences du conseil départemental. Capacité totale de stockage : 270.000 palettes et 187 portes destinées à charger les camions.

La première des trois tranches (63.000 m2) sera mise en service en décembre ou janvier et la totalité du site à la mi-2019, avec 400 emplois à la clef. Ce nouveau temple de l'ameublement bon marché, qui remplacera deux sites plus réduits, desservira depuis la Brie tous les magasins de la moitié nord de l'Hexagone. Et Conforama en confiera l'exploitation à ID Logistics. « Par rapport aux deux entrepôts précédents, il y aura plus d'automatisation pour réduire la pénibilité lorsqu'on charge les camions, car nous transportons traditionnellement des produits lourds », décrit une porte-parole de la filiale du groupe sud-africain Steinhoff.

A quelques encablures de là, en se frayant un chemin derrière les poids lourds sur la Francilienne, nous voici sur l'ancienne base aérienne de Brétigny-sur-Orge (Essonne). Pour une fois, Amazon est en retard. Près des grands axes routiers du Sud francilien, et à seulement 29 kilomètres de Paris, le géant américain de l'e-commerce à la croissance fulgurante a préempté une parcelle de 31 hectares, pour installer son plus grand site français d'expédition de colis , soit 142.000 m2 sur trois niveaux. Calé au départ pour une inauguration en septembre 2018, il est à présent prévu pour le premier semestre 2019. Plutôt vers juin que janvier, selon la commune. « Des problèmes d'inondation sur le site », avance sans détailler une porte-parole.

« Stockage dynamique »

Ici encore, le roi des cybercommerçants voit très grand : alors qu'un entrepôt standard, comme il en éclôt partout en France, mesure environ 10 mètres de haut, celui-ci culminera à plus du double. Et il sera à la pointe de la technologie. Fini le temps où les « préparateurs de commandes » serpentaient dans tout l'entrepôt avec leur chariot pour aller chercher une paire de chaussures et un DVD : pour la première fois en France, les deux étages supérieurs seront garnis d'au moins 2.000 robots fabriqués en interne.

Quadrillant des rangées réduites au strict minimum (1 mètre de large), ils soulèveront pour chaque commande des armoires hautes de 2,50 mètres et les apporteront automatiquement aux opérateurs chargés de remplir les cartons, à la périphérie du bâtiment. « Avec ce procédé, nous aurons une capacité de stockage plus dense que dans nos autres sites, soit 50 % de plus au mètre carré. Le traitement des commandes ira plus vite, point important alors que la demande de livraisons rapides est très importante », ajoute-t-on au siège de Clichy.

Avec son bâtiment de « stockage dynamique », ses monte-charges et ses 39 quais pour camions, le géant américain, qui propose sur la Toile 250 millions de références, pourra y entreposer jusqu'à 258.000 m3 de produits en même temps. Règle de base : dès qu'une commande tombe, elle doit être en carton, prête à partir, deux heures plus tard. « Le site sera consacré au colis de petite taille et desservira l'ensemble du territoire et notamment l'Ile-de-France », décrit le développeur, Virtuo Industrial Property.

Dorsale de Lille à Marseille

Deux exemples d'entrepôts XXL qui donnent le tempo des nouveaux empires logistiques. Les nouvelles cathédrales ne sont plus à Chartres, Beauvais ou Reims, mais sur une dorsale soigneusement convoitée par les opérateurs, courant de Lille à Marseille. Dans des localités largement méconnues mais riches de foncier et d'axes autoroutiers, aux noms bucoliques comme Sainghin-en-Mélantois près de Lille, Moissy-Cramayel en Seine-et-Marne, Saint-Quentin-Fallavier au large de Lyon. Ou bien, en version sudiste, Saint-Martin-de-Crau, au pied des Alpilles provençales. Un océan d'entrepôts commandés par trois types d'acteurs : les distributeurs spécialisés comme Carrefour, Lapeyre ou Decathlon ; les « pure players » du Web tels que Cdiscount ; ou des prestataires type XPO Logistics, Geodis, FM Logistic, qui opèrent pour les premiers.

Trois années de suite (2015 à 2017), le secteur a volé de record en record : l'an dernier, plus de 4 millions de m2 de sites logistiques ont ainsi été commercialisés dans le pays (dont 54 % en bâtiments à construire) ! Sur ce total, 1,6 million rien qu'en Ile-de-France, région où la moyenne était autour de 800.000 m2 depuis plusieurs années. Voici seulement dix ans, un bâtiment de plus de 30.000 m2 était considéré comme grand. Maintenant, on recense tous les ans plusieurs signatures à plus de 100.000... 

L'appétit des investisseurs

Conséquence, la rareté du foncier pousse logiquement à l'éloignement des villes : « Un tournant est apparu dans les années 1990, lorsque la logistique francilienne est devenue plus présente dans la grande couronne que dans la petite. Aujourd'hui, deux tiers des grandes surfaces sont en grande couronne », selon une récente étude de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France. Voire dans l'Orléanais ou la Picardie, régions qui intéressent désormais les investisseurs.

Pourquoi cette course subite à la grande taille ? La logistique est en pleine restructuration, dictée par la révolution Internet et celle du e-commerce qui amènent à repenser totalement les schémas de distribution. Notamment dans la grande distribution, qui doit s'adapter à l'omnicanal. D'où une recherche d'économies d'échelle.

Second facteur non négligeable : les bases locatives des entrepôts. Les rendements actuels en font des actifs attractifs par rapport à l'immobilier de bureau, créant un engouement des investisseurs internationaux pour ce type de produit. Foncières, développeurs, gestionnaires de fonds américains, australiens ou encore britanniques jouent ainsi des coudes pour trouver les bons terrains disponibles dans l'Hexagone. Mais de telles usines à marchandises poussent également les opérateurs à trouver des sites relais, cette fois en lisière des grandes villes, pour assurer la très délicate desserte du dernier kilomètre.

La logistique 4.0

Difficile de faire du neuf avec du vieux, à l'heure où les clients internautes veulent être livrés à domicile toujours plus vite : la logistique a basculé dans sa révolution 4.0. « Les entrepôts doivent de plus en plus intégrer des process automatisés dès leur conception mais aussi maîtriser des projets XXL ou de grande hauteur », selon une note de Xerfi Research. Aiguillonnée par l'ogre Amazon, qui se fait fort de livrer ses clients le jour même dans les métropoles, la grande distribution réagit depuis peu de temps par le « drive » , qui requiert des installations ad hoc.

« Les drives ont compliqué les opérations, puisqu'on doit gérer les commandes au colis et faire des palettes plus petites », selon le président d'une centrale d'achats régionale d'E.Leclerc. De même, Monoprix a commencé à construire cet été un site ultramoderne à Fleury-Mérogis (Essonne) à l'automatisation très poussée, muni d'un système dit AutoStore acquis chez l'e-commerçant britannique Ocado (voir vidéo) qui piochera parmi 50.000 références.

Le futur système automatique de Monoprix

Pour aider les distributeurs dans leur course à la rapidité, une armée de consultants, équipementiers spécialistes en mécatronique ou en logiciels de gestion d'entrepôts (WMS) sont à l'oeuvre. Poursuivant à un siècle de distance les travaux de Henry Ford avec son chronomètre. « Sur un site où vous avez par exemple 20 ou 30 mouvements de chariot par heure pour les entrées en stock, si vous devez parcourir 300 mètres en plus, cela prend deux-trois minutes à chaque fois et votre productivité est divisée par deux. A partir de 50.000 ou 60.000 m2 d'entrepôt, c'est à peu près sûr qu'il faut mécaniser », décrit Philippe Lavoué, du cabinet allemand Miebach Consulting.

A Paris, Ikea tente la verticalité

Le vrai défi n'est donc pas seulement une question de surface au sol, mais aussi de verticalité, pour gagner du foncier. C'est l'option retenue par Ikea dans son prochain site de Gennevilliers. Sur cet ancien terrain en bord de Seine, où Renault stockait des voitures, le distributeur suédois s'installera au début 2019 dans une nouvelle plate-forme de deux étages (deux fois 25.000 m2), pour desservir la capitale et l'Ouest francilien. « Le seul projet logistique XXL disponible à proximité de Paris, à seulement 5 kilomètres de la porte de Clichy », selon son promoteur italien Vailog. Ikea France veut accélérer sa stratégie multicanale et prévoit de réaliser ici 355 000 livraisons en 2019, avec des véhicules électriques et des péniches.

Un record à 42 mètres !

En Espagne, au sud de Tolède, le fabricant de touron Delaviuda exploite le magasin automatisé le plus haut d'Europe : 42 mètres sous la toise, pour y superposer quelque 22.000 palettes sur une surface réduite. Des transtockeurs, sorte de grues élévatrices appelées aussi « girafes », se chargent de ranger ou sortir les colis dans les rayons supérieurs. En Pologne, l'enseigne de meubles danoise Jysk a installé un bâtiment au format similaire en 2013. Sans parler de Tokyo, Hong Kong, Shanghai ou Singapour, où des promoteurs spécialistes de la grande verticalité ont développé des concepts de stockage de plus de 20 étages, accessibles en partie par camion.

Mais contrairement aux tours de bureaux, les entrepôts de grande hauteur ne sont pas encore entrés dans les moeurs en France et se heurtent aux plans locaux d'urbanisme (PLU). Les investisseurs jouent la prudence : « Un entrepôt standard, soit 9,60 mètres utiles en hauteur, divisé en cellules type de 6.000 mètres carrés, reste plus fluide financièrement, son propriétaire pourra aisément changer de locataire », avance Philippe Lavoué.

Robots à 14 km/h

Face aux hangars verticaux truffés d'immenses étagères d'acier, dessinés avec le savoir-faire de fournisseurs allemands, autrichiens ou scandinaves, quelques start-up françaises tirent leur épingle du jeu. En proposant des solutions robotisées, avant tout flexibles.  Comme la jeune lilloise Exotec, qui a séduit Cdiscount avec ses robots Skypod , capables de se déplacer dans trois dimensions pour aller chercher, grâce à l'intelligence artificielle, des bacs de produits dans de hautes étagères, et les apporter illico au préparateur de commandes à 14 km/h (voir vidéo), soit plus vite que les armoires mobiles d'Amazon.

« Avec le boom du e-commerce, la préparation de charges légères explose. Dans le système traditionnel de 'picking' manuel, vous avez un problème de densité de stockage, limitée à seulement 1,80 mètre de haut, des opérateurs qui parcourent 15 kilomètres à pied par jour et qui se marchent dessus dans les allées... Avec un système 3D comme le nôtre, on peut diviser par 5 la surface de rangement », explique son PDG Romain Moulin.

Cdiscount jour la carte des robots

Solution voisine pour Scallog, dont les ventes doublent tous les ans. Ses robots fabriqués à Nanterre, guidés par un lecteur optique, déplacent des armoires mobiles dans les hangars, notamment chez Airbus ou L'Oréal. « Avec la transformation de l'écosystème logistique, les acteurs ont souvent tendance à s'élargir ou à déménager. Avec notre solution, un client peut la tester dans une petite zone, puis passer à plus grand ou la dupliquer dans un autre site », commente Catherine Philonenko, en charge du marketing.

Bétonisation des terres

Il reste deux gros points noirs entraînés par le commerce en ligne et sa logistique en version 4.0. Les 200 entrepôts supplémentaires commandés en France en seulement quatre ans contribuent fortement à l'artificialisation des sols à la périphérie des villes. Un problème particulièrement visible en cas d'inondation.

Surtout, en proposant de livrer où le client préfère (domicile, lieu de travail, Point-relais...), les opérateurs jettent sur les routes des millions de camions supplémentaires, sur des axes déjà souvent surchargés. Chaque semaine, pas moins de 4,3 millions de livraisons et enlèvements de marchandises diverses ont lieu dans les entreprises franciliennes. Sur ce total massif, les entrepôts en centralisent la plus grande part.

Décathlon spécialise ses sites nordistes

La mécanique logistique de Decathlon s'adapte aux bouleversements des circuits de distribution. L'entrepôt de 50.000 m2 installé depuis 2009 sur la plate-forme logistique de Dourges (Pas-de-Calais), un des points d'entrée de la marque en Europe, alimente 27 entrepôts régionaux situés sur tout le continent, jusqu'à Bucarest ou Naples. Soit de 300 à 800 camions qui vont et viennent chaque semaine. A l'intérieur, des algorithmes d'approvisionnement calculent les ventes futures, pour déplacer les cartons en temps voulu. Mais comme l'autre entrepôt nordiste de Rouvignies (75.000 m2) à 45 kilomètres de là est lancé dans un vaste effort de mécanisation des préparations de commandes pour 2019, Dourges va aller « plutôt vers les produits hors standard, ceux qui ne rentrent pas dans un carton classique ou qui pèsent plus de 20 kilos (vélos, cannes à pêche, machines de musculation...) », selon le directeur du site Sébastien Alcasena. « Ce projet de transformation a commencé il y a quelques années, nous nous sommes dit que nous touchions à la limite des entrepôts multiformats».

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